Il y a tout juste un an, Laurence et Matthieu ont adopté
Bali, lévrier retraité des courses canines. Tous deux artistes, ils ont
rapidement fait de leur animal de compagnie le chouchou d'Instagram. Récit d'un
«ambassadog» local et portraits de vedettes animales internationales.
« Je passe au moins deux heures par jour à alimenter le
compte Instagram de Bali», confie Laurence Paquin, tout en montrant fièrement
des photos de son toutou de 4 ans. Avec les réseaux sociaux, les entreprises ont trouvé de nouveaux moyens de facilement rejoindre leur public. Ainsi naissent les influenceurs, ces internautes doués suivis par une tonne d'abonnés sur les différents réseaux sociaux. Ces nouvelles vedettes se mettent alors à recevoir des produits au rabais, voire gratuitement contre la promotion des croquettes pour chiens, matelas pour chats ou autres accessoires essentiels au bonheur animal.
C'est d'ailleurs ce qui a incité Laurence, graphiste et
photographe amateur, à se plonger dans l'aventure avec son conjoint, Matthieu
Lambert, photographe professionnel de véhicules automobiles.
«Je consultais déjà plusieurs comptes Instagram et je rêvais
de recevoir des cadeaux», raconte Laurence, les yeux brillants.
L'histoire de Bali
En septembre dernier, les parents de Laurence se sont rendus
dans un chenil au Vermont pour y récupérer Bali, après un long processus
d'adoption. Coureur de grade A, CTW Calico Jack (nom de naissance de Bali)
s'est fracturé la patte, provoquant sa retraite prématurée.«Ces chiens ne connaissent rien d'autre que la course. C'est comme adopter un chiot, mais à 3 ans», souligne l'adepte d'Instagram, en référence à des épisodes houleux d'initiation aux escaliers.
Le jeune couple de Sainte-Thérèse, au Canada, a commencé à documenter sur son compte Instagram personnel l'adoption de l'animal, pour ensuite lui faire son propre compte une semaine plus tard.
Ainsi est né @Balithegreyhound qui, après un an d'activité,
comptabilise près de 5000 abonnés.
Un mode de vie
Sur la page de Bali, on trouve des photos et des vidéos de
son quotidien. Le couple a créé un univers autour du chien, le personnifiant en
s'adressant à la première personne.
«Je m'assure tous les jours d'avoir suffisamment de photos
en banque», raconte Laurence, qui alimente au moins une fois par jour son
compte avec du contenu provenant parfois de son téléphone, mais surtout de son
appareil photo.
Participant à des réunions de lévriers mensuellement, Bali
s'est fait un large réseau d'amis à quatre pattes. Récemment, il a dû rompre
par l'entremise du réseau social avec sa copine @penny_pennster de Boston, un
lévrier arborant les mêmes tons de pelage roux et noir que lui, puisqu'il ne
«supportait pas les relations à distance».
«Les autres achètent des vêtements pour leurs enfants, moi,
j'achète des accessoires à mon chien», s'esclaffe Laurence.
De véritables vedettes
Aux États-Unis, le cas de Harlow and Sage est éloquent: le
compte Instagram de ce trio d'adorables pitous est suivi par 1,5 million de
personnes. Les fans peuvent maintenant se procurer des livres, un calendrier,
des vêtements ou des peluches Harlow and Sage.
Sans surprise, dans leurs magnifiques publications
Instagram, on découvre parfois que ces chiens modèles mangent de la nourriture
Nature's Recipe, s'amusent avec des sacs Glad ou font la promotion de Purina,
qui offre une vaste gamme de nourriture pour animaux.
Mais pour arriver à une telle notoriété, il faut y mettre le
temps. Au quotidien, la tâche ne se résume pas qu'à capturer des moments de vie
de l'animal. Laurence Paquin doit défier l'algorithme du réseau social en
s'abonnant à d'autres pages, en commentant et aimant les publications des
«Instadogs», ces vedettes canines nouveau genre. Elle doit aussi choisir
soigneusement chaque information supplémentaire qui accompagne les bios de ses
publications, toujours dans l'objectif d'augmenter sa portée. Une technique qui
fonctionne: «Si j'ai 500 like sur une photo, c'est une bonne journée»,
raconte-t-elle, montrant fièrement quelques exemples qui ont atteint les 1000
mentions «j'aime».
«Maintenant, je le mets dans mon CV. En entrevue, les
employeurs sont généralement très impressionnés de ce qu'on a réussi à faire en
si peu de temps», se félicite Laurence, qui a fait ses études en communication
et souhaite travailler en marketing.
Un long processus
Ce n'est qu'après six mois de travail et 2000 mentions
«j'aime» sur sa page que le couple a réussi à obtenir un premier produit
gratuit.
Par une journée froide d'hiver, une publication montrant
Bali habillé de ses nouvelles bottes, avec l'inscription du nom de l'entreprise
qui les a fabriquées, a attiré l'attention.
«La photo ressortait du lot. Elle était claire et
captivante. Nous avons tout de suite souhaité collaborer avec Laurence»,
indique Christina Roe, qui travaille pour Voyagers K9 Apparel. Cette entreprise
familiale est située à Oceanside, en Californie, et fabrique des accessoires
pour chiens.
«Nous travaillons avec cinq influenceurs à la fois. Nous
aimons en avoir de nouveaux tous les ans. Nous n'avons qu'un seul ambassadeur
permanent.»
À ce jour, Laurence a reçu de leur part six manteaux, d'une
valeur totalisant plus de 600 $. D'autres entreprises lui ont fourni des
foulards et des colliers à prix réduits. Tous des accessoires pour Bali.
«Les produits ne sont pas toujours gratuits. Parfois, on
m'épargne les frais de livraison. Ça se négocie et les entreprises ont
tellement à gagner avec nous.»
C'est ce que confirme Arnaud Granata, président et éditeur
d'Infopresse : «Il y a un marché qui se crée. Toutes les études démontrent que
les consommateurs croient plus leurs pairs que la compagnie elle-même quand
vient le temps de présenter des produits.»
Voyagers K9 Apparel, avec laquelle elle fait principalement
affaire, exige du couple de fournir de trois à quatre clichés de Bali portant
les morceaux donnés. «Ils ne sont vraiment pas exigeants. D'autres entreprises
demandent de fournir au moins une photo par semaine», note-t-elle. «Nous n'avons pas de contrat pré écrit avec les influenceurs. Nous venons à une entente ensemble via courriel ou par les réseaux sociaux», précise Christina Roe, qui apprécie travailler avec des instagrammeurs dont la qualité des images l'emporte sur la quantité.
Un flou dans les pratiques et règlements
Le plus grand défi des influenceurs Instagram est de défier
l'algorithme de la plateforme. Quelques pratiques existent pour augmenter la
portée des publications, notamment les Podghazis (Pods). Des influenceurs se
regroupent et échangent des commentaires sur leur page respective. Plus une
publication a de commentaires, plus la notoriété de la page est reconnue par
l'algorithme. Cette pratique n'est pas encore réglementée par la plateforme,
qui perd ainsi des ventes publicitaires, mais ceux qui font partie de Pods
restent toutefois vigilants.
C'est plutôt avec le contenu commandité qu'Instagram fait la
loi. Dans les conditions d'Instagram, on peut lire: «Nos règles exigent des
créateurs et éditeurs qu'ils identifient les partenaires professionnels dans
leurs publications de contenu de marque lorsqu'il y a un échange de valeur
entre un créateur ou éditeur et un partenaire professionnel.»
C'est ce qui fait qu'on voit, de plus en plus, apparaître un
petit #sp à la suite des publications de certains, pour «sponsor». D'autres
auteurs affichent carrément le nom de la marque dont ils font la promotion,
plus ou moins subtilement.
Matthieu et Laurence souhaitent pour cette deuxième année
d'activité atteindre les 10 000 abonnés. «Si l'on se rend à 20 000, ça serait
fantastique», s'enthousiasme Laurence. Mais ce qui les comblerait davantage
serait que toutes les dépenses pour leur animal soient couvertes grâce à leurs
pratiques d'influenceurs Instagram.
In La presse.ca
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