Cette semaine, je me suis rendue chez l’une de mes patientes
qui est confrontée à quelques problèmes hiérarchiques entre ses cinq chiens. A
la fin de la consultation, elle me demande mon avis sur une question. Le chien
de l’une de ses amies a malheureusement tué un chat errant et, suite à cela, le
vétérinaire de garde qu’elle a dû appeler lui a vivement conseillé
d’euthanasier son chien car « maintenant qu’il a goûté au sang, il peut devenir
dangereux et même représenter un grand risque pour les autres chiens, vos
enfants ou vous-même ! ».
Cela a bien sûr effrayé la propriétaire du chien mais la «
solution » proposée par le vétérinaire lui semblait tout de même un peu
radicale et surtout, elle aime son chien et ne veut pas le perdre. Heureusement…
heureusement que cette personne n’a pas appliqué immédiatement le conseil reçu
! Car non seulement il est tout simplement aberrant, mais en plus il aurait
coûté la vie d’un innocent. Bien sûr l’issue fatale pour le chat est bien
malheureuse, et nous reviendrons plus tard sur la problématique de la relation
entre le chien et le chat, mais de grâce, cessons de croire que parce qu’un
chien a tué une fois, il cherchera à recommencer ou pire, que cela est lié au
fait qu’il ait goûté au sang !
Nous allons faire le même petit exercice : observer la vie
du chien à l’état sauvage et se rappeler encore une fois que cet animal est bel
et bien un chasseur. Tuer est donc pour lui tout ce qu’il y a de plus naturel,
et le « goût du sang » dans sa bouche également puisqu’il est difficile de tuer
une proie sans se salir la gueule. Nos chiens domestiques n’ont, grâce à nous,
plus besoin de chasser et donc de tuer pour se nourrir mais la plupart d’entre
eux ont bien évidemment conservé cet instinct naturel. C’est notamment le cas
des chiens de chasse mais également de quelques-uns de leurs semblables non
chasseurs.
Cet instinct de chasse sera bien souvent réveillé soit, chez
les plus traqueurs d’entre eux, par l’odeur d’une proie passée par là, soit,
chez la majorité des autres, par la vue d’un animal détalant devant eux. Et
c’est malheureusement ce que font bien souvent les chats lorsqu’ils aperçoivent
un chien : ils détalent !
Malgré qu’ils n’aient pas perdu leur instinct de chasse, nos
toutous ont par contre perdu beaucoup de leurs compétences de chasseur, par
manque d’expérience bien évidemment. Résultat : ils ont beau se mettre à courir
de toute leur énergie derrière ledit chat, lapin, écureuil, chevreuil, etc., ce
dernier, qui n’a lui pas perdu ses compétences d’animal chassé, arrive
quasiment toujours à semer le chien. Et donc notre toutou revient toujours
bredouille. Sauf que parfois, la proie peut être faible ou malade, ou n’avoir
pas suffisamment d’avance par rapport à son poursuivant, qui pourra alors ne
pas la manquer. Cela est rare mais arrive parfois, si bien que certains d’entre
nous ont un jour été confrontés au triste tableau de leur chien revenant tout fier avec un oiseau ou un lapin
dans leur gueule. Il ne faut alors évidemment pas le punir, car il n’a fait
qu’écouter l’un de ses instincts les plus basiques.
Lorsqu’il s’agit d’un
chat, cela nous choque, bien sûr, parce qu’on le trouve, au même titre que le
chien, dans nos foyers. Mais pour le chien qui n’est pas forcément habitué à en
côtoyer dans son environnement proche, il devient une proie comme une autre
lorsqu’il détale à toutes pattes en l’apercevant. Et des accidents peuvent
arriver…
Donc, non, votre toutou ne risque pas de se transformer en
loup-garou s’il revient un jour la gueule pleine du sang de l’une de ses
proies. Il restera votre fidèle compagnon, qui se lovera à vos pieds lors d’une
longue soirée d’hiver. Et il ne décidera pas un jour de sauter à votre cou ni à
celui de vos enfants ou de vos autres animaux de compagnie pour « regoûter » à
ce sang dont il s’est délecté !
Cet
article a été rédigé par Julie Willems, éthologue-comportementaliste animalier,
et est protégé par le droit d’auteur.
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