LE CHIEN DE MONTARGIS
Le meurtrier du gentilhomme ne fut pas découvert, mais chaque fois que Verbaux se trouvait en présence d'un certain Macaire, compagnon d'armes d'Aubry, il donnait des signes d'animosité la plus vive.
L'affaire vint à la connaissance du Roi Charles V qui, s'étant informé, considéra que le chien (d'une espèce qu'il aimait particulièrement) paraissait effectivement accuser Macaire et demander vengeance de la mort de son maître. Il décida donc de l'opposer au présumé coupable en un duel judiciaire en présence de la cour.
Ce combat vraiment singulier eût lieu dans l'île Notre Dame.
Macaire avait été armé d'un bâton. Le chien, lui, disposait d'un tonneau dont on avait enlevé l'un des fonds afin qu'il pût y trouver refuge au cas où il eût été défavorisé devant son adversaire.
Le lévrier n'eût pas à recourir à cet abri. Évitant les coups que lui portait Macaire, Verbaux parvint à saisir celui-ci à la gorge et à le terrasser.
La justice de Dieu s'était prononcée. Le meurtrier confessa son crime, il fut dégradé de son titre de Chevalier et, condamné à mort, il fut pendu à Montfaucon.
Quant à son vainqueur, son flair et sa bravoure furent célébrés avec grandeur.
Le duel où s'était illustré ce chien fameux fut, sous le règne de Charles VIII peint dans des salles du château de Montargis.
LE SAINT LÉVRIER. GUINEFORT, GUÉRISSEUR D'ENFANTS DEPUIS LE XIIIÈME SIÈCLE
Saint Lévrier est fêté le 22 août, à la fin de la canicule.
L'histoire de ce chien bien ancienne est la suivante :
Un seigneur et sa femme n'avaient pas d'enfant. Il en souffraient beaucoup. Par contre, ils avaient un chien, un lévrier, qu'ils aimaient de tout coeur. Le chien le leur rendait bien.
Un jour, la mère dû s'absenter. Elle confia l'enfant à la garde de son mari. Mais pendant ce temps, un serviteur du roi vint porter une convocation urgente au mari.
Celui-ci s'exécuta sans délai et confia la garde de l'enfant au chien.
Or, pendant son absence, un énorme serpent surgit par un trou dans le mur et voulut monter dans le berceau. Le chien s'en aperçut et fonça sur le serpent. Il y eut une horrible bataille à l'issue de laquelle le chien sortit vainqueur. Le serpent fut tué . Le chien qui avait massacré le serpent eut son museau plein de sang. Tout content d'avoir sauvé l'enfant, il se mit devant la porte afin d'attendre son maître et fêter avec lui cet heureux événement.
Un peu plus tard, le seigneur revint du palais. Le chien bondit de joie vers lui comme pour lui annoncer la bonne nouvelle.
Mais le maître s'aperçut que celui à qui il avait confié la garde du bébé avait la gueule ensanglantée. Il pensa alors que le chien avait dévoré son fils, ce qui le mit dans une rage folle. Il saisit son épée et trancha avec force la tête de l'animal.
Puis il entra dans la chambre et aperçut son enfant bien vivant, en train de sucer son pouce. Au pied du berceau, il trouva les morceaux du serpent.
Il comprit alors sa méprise et pleura longtemps sa faute. Déplorant d'avoir tué si injustement un chien tellement utile, ils le jetèrent dans un puits situé devant la porte du château, jetèrent sur lui une très grande masse de pierres et plantèrent à côté des arbres en mémoire de ce fait....
Les paysans honorèrent le chien tel un martyr, le prièrent pour leurs infirmités et leurs besoins.
Au XIIIème siècle, un dominicain de la région de Lyon, Etienne de Bourbon (inquisiteur), reçut les confidences de femmes qui allaient porter leur enfant à Saint Guignefort.
Comme elles n'avaient pas la conscience tranquille, elle s'en confessait comme relevant de la superstition. Il ne s'agissait pas d'un saint ordinaire, Guinefort ou Guignefort était un chien qui avait été tué comme nous l'avons raconté.
Les femmes, en pèlerinage, apportaient leurs enfants autour du tombeau du chien martyr. Elles amenaient surtout les enfants handicapés, malades et débiles.
Une sorcière qui habitait là guidait les femmes dans les rituels à faire pour obtenir les bonnes grâces voulues.
Le premier rituel consistait à lancer l'enfant nu entre deux arbres rapprochés. Neuf fois de suite, la mère lançait son enfant, la sorcière l'attrapait de l'autre côté et le renvoyait à la mère.
Elles priaient les démons de prendre l'enfant et de leur rendre en bonne santé.
C'était ce qu'on appelle un "changelin" qui, dès sa naissance, selon la croyance, avait été rapté par le démon et remplacé par un enfant débile.
Un autre rituel consistait à poser l'enfant sur un tas de paille entouré de quatre cierges allumés. On attendait que les cierges se consument. Quelquefois, ils mettaient le feu à la paille et l'enfant mourait brûlé vif.
S'il en réchappait, il avait droit à un autre rituel qui consistait à le plonger neuf fois dans le courant glacé de la Chalaronne.
Après ça, si l'enfant restait vivant, c'est qu'il était suffisamment fort pour continuer à vivre et qu'il n'était pas un changelin.
Le dominicain dénonce le culte rendu par les paysans envers un chien, vénéré sous le nom de saint Guinefort. Culte qui s'accompagnait d'un rituel de guérison des enfants, orchestré par des sorcières.
Face à l'ampleur de la dévotion, Étienne de Bourbon fera exhumer les restes du chien pour les brûler ainsi que l'arbuste vers 1250 et en fera état dans son ouvrage De Supersticione.
Une loi est votée pour interdire aux habitants de se rendre sur les lieux, sous peine de saisie de l'ensemble de leurs biens.
Cet espoir d'Etienne de Bourbon aura été déçu.
En effet, le culte de ce saint Lévrier persiste pendant plusieurs siècles, jusqu'aux années 1930 et ce malgré les interdictions répétées de l'Église catholique romaine.
Certaines personnes agées de Châtillon se souvenaient encore dans les années 1970 qu'autrefois (avant la seconde guerre mondiale), on se rendait dans ce bois pour y invoquer un certain saint Guignefort et obtenir la guérison des enfants malades ou chétifs.
Aujourd'hui, on ne retrouve comme lieu de culte ni plaque, ni de statue, juste une petite forêt du nom "Bois de Saint Guignefort" sur la départementale D7 de Châtillon-sur-Chalaronne à Marlieux.
L'histoire est restée vivante dans le patrimoine culturel de la ville de Chalaronne.
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