jeudi 10 novembre 2016

Trouble de la compassion

Alyssa Krieger dirige l’un des plus vieux et plus grands refuges des États-Unis, le MSPCA-Angell, et elle a assisté de très nombreux changements d’équipe et de volontaires au fil des années, comme le rapporte le site The Dodo.

Pourquoi un tel renouvellement de personnel ? Alyssa pense connaître la réponse.
Un trouble reconnu par la médecine

La compassion que l’on peut ressentir pour un animal en détresse et qui nous touche peut en réalité être bien difficile à porter, jour après jour, surtout lorsqu’il est impossible de ne plus songer à tout cela même une fois chez soi.
Ce trouble est désigné sous la formule « usure de compassion », encore appelé stress traumatique secondaire. Une personne atteinte d’usure de compassion souffre physiquement et mentalement de la détresse d’autrui. Ce syndrome se retrouve très souvent chez les travailleurs sociaux ou les personnes exerçant en milieu hospitalier, mais également chez les amoureux des animaux, qui ne peuvent supporter l’idée de voir souffrir ces derniers.

L’usure de compassion n’est pas toujours perceptible. Un bénévole ou un soignant n’est pas toujours conscient qu’il en souffre, le stress gagnant progressivement en intensité. Face à un animal abandonné, tué, maltraité ou euthanasié, les émotions s’accumulent jusqu’à la rupture.
Elizabeth Strand, directrice et fondatrice du programme de travail social vétérinaire de l’Université du Tennessee (États-Unis), explique à National Public Radio :
"L’un des signes caractéristiques de [l’usure de compassion] est que vous ne pouvez pas échapper aux choses auxquelles vous avez assistées, et que votre vision du monde est changée à tout jamais."

D’après Alyssa Krieger, il est donc capital de trouver un équilibre entre le travail et le temps libre. Trop s’attacher à tous les animaux d’un refuge ne peut avoir que des conséquences désastreuses sur le bien-être de la personne.
Alyssa déclare à The Dodo :
 "Durant la première année, je travaillais sur ma pause de midi et je restais deux heures de plus le
soir. J’adorais ça, mais c’était épuisant. À présent, je me sens mieux en rentrant chez moi et en déjeunant. Demandez à quiconque travaillant avec moi. Je n’arrête pas de leur hurler d’aller déjeuner ou de rentrer chez eux."

Devoir toujours dire au revoir
Chaque refuge abrite des vies qui s’achèvent pour tout un tas de raison, chaque jour. Vieillesse, maladies, blessure, échec face aux tentatives de sauvetage ou face à la justice. Le cycle de la vie doit être accepté dès que l’on est en contact avec tant d’animaux différents. 

Des statistiques alarmantes
La mort est une donnée quotidienne pour quiconque travaille auprès d’animaux, mais dans beaucoup de cas, cela atteint si fort les soignants qu’ils ne parviennent plus à faire face. L’American Veterinary Medicine Association (AVMA) rapporte même qu’un vétérinaire américain sur six aurait déjà songé au suicide.

Cette statistique est dramatique, pour une profession dont le but premier est de sauver des vies. Il est indispensable pour les vétérinaires et tous ceux impliqués dans le bien-être des animaux d’être empathiques avec ces derniers pour faire correctement leur métier, mais il est également capital de parler des dangers de l’usure de compassion.
Prise de conscience et prévention

Fort heureusement, ce trouble et ses dangers sont de mieux en mieux connus, et la sensibilisation et la prévention s’organisent. Les personnes parlent de leurs sentiments et cherchent le soutien de leurs amis et de leur famille pour enfin se libérer d’un trop-plein émotionnel, pour tracer la limite entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

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